Les lavoirs de Songeons



À Songeons, dans les années 50, il existait encore plusieurs lavoirs publics en service, fréquentés par les ménagères du village qui y venaient, non pas pour laver le linge, mais pour le rincer…
Les témoignages recueillis et rassemblés dans l'ouvrage paru en 2002, ''Paroles glanées dans nos campagnes'', expliquent comment se passait la lessive au début du siècle, et ce jusque dans les années 1950.
Le plus souvent, c'est la mère de famille, aidée par d'autres personnes ou par ses enfants, qui se consacre à cette tache pouvant l'occuper parfois la journée entière !... Le linge, qui a été lavé à la maison, est emporté au lavoir pour rinçage, où on vérifie une dernière fois sa propreté pièce par pièce pour éliminer les dernières salissures.
On le rince alors à l'eau claire puis, posé sur une poutre horizontale installée à faible hauteur le long du plan d'eau, il s'égoutte et, enfin, essoré, il est rapporté à la maison pour séchage. Les familles aisées employaient des femmes du village pour faire ce travail.

LES LAVOIRS :

Le plus ancien lavoir connu se situait en bas du hameau de Riffin, sur la petite rivière à la limite du bois, sur la route qui va vers Morvillers. Ce petit cours d'eau est tari depuis longtemps et nous n'avons plus trace de ce lavoir, mais des anciens s'en souviennent encore, qui vont nous donner bientôt de précieuses indications…
 Emplacement supposé du rû de Riffin

Près du château, un lavoir était construit sur la rive du Thérain, à droite de l'actuel petit pont qui mène au chemin rural de Gerberoy. Plus guère utilisé, en très mauvais état, il a été démoli au début des années 70. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands occupaient le château, où il n'y avait pas de salles de bain. Pour leur usage, ils firent installer dans le lavoir des cloisons de bois et des baignoires réquisitionnées dans le pays. Cette installation a donné lieu à quelques facéties de la part de jeunes gens du village, réquisitionnés eux aussi pour les travaux, facéties qui auraient pu très mal se terminer sans l'intervention d'un vieux Songeonnais qui, parlant quelques mots d'allemand qu'il avait appris en 14-18, calma le jeu !...

  

Le lavoir du Château : ancien et emplacement actuel

Rue de la laiterie, un lavoir était construit sur le bras du Thérain qui alimentait l'ancien moulin.
Lors de sa démolition, il a été rebâti sur la propriété d'un particulier vivant à proximité. Mais quand cette propriété a été vendue à de nouveaux habitants, la commune a fait valoir qu'en fait le lavoir lui appartenait. Les nouveaux propriétaires l'ont volontiers rendu à la commune qui, en 1990, l'a ré-installé à 50 mètres de son emplacement d'origine. Il est ainsi bien visible du haut de la rue de la laiterie. Il n'a cependant plus que sa toiture et sa charpente, la bordure en ciment permettant de frotter le linge pour le rincer proprement a disparu.


 
Le lavoir de la gendarmerie (ou de la laiterie) : ancien et actuel.

Le lavoir de la fontaine Ya-ya est à l'ouest de Songeons. On y accède par un petit chemin qui débute rue d'Hémécourt. Construit en 1865, c'est un lavoir installé sur une source qui coule vers la rivière. Son nom provient du fait que les laveuses, tout en travaillant, se racontaient les dernières nouvelles et commençaient souvent leurs commentaires par : ''Y'a untel qu'a fait ceci ! Y'a unetelle qui a dit que !...'' Bien conservé, car toujours entretenu au cours des ans, c'est le plus important en taille des lavoirs songeonnais. Le bâtiment, qui entoure un plan d'eau ayant un fond de briques, est en forme de U. Les deux grands côtés ont 12 mètres de long, la base du U est de 9 mètres et voit l'arrivée de l'eau. Un mécanisme permet le réglage du niveau d'eau et même une vidange intégrale lorsque le nettoyage du fond briqueté s'avère nécessaire. Tout au long de chaque grand côté, commençant au niveau du sol, court un plan incliné en ciment qui donne sur l'eau du lavoir. Le linge y était étalé pour en vérifier la propreté, le frotter éventuellement, le rincer. Une poutre en bois horizontale permettait de mettre le linge à égoutter une fois rincé. Une planche-étagère en hauteur courait le long du mur pour y ranger les agenouilloirs des laveuses et dans un coin, il était possible de faire un petit feu, pour se réchauffer les mains glacées par l'eau froide…

  

Les lavoirs ont cessé d'avoir leur utilité vers 1950, lorsque les premières machines à laver le linge ont été commercialisées. Monsieur Decuy, le commerçant en appareils électriques de Songeons, a commencé alors à en vendre : il proposait un modèle unique (6 kilos), électrifié, qu'il allait chercher directement à Paris... Il fallait sceller dans le sol ces machines qui vibraient trop, et qui, en outre, n'assuraient pas l'essorage... Ce sont tout d'abord les familles bénéficiant d’un certain revenu qui ont acheté les premiers modèles. Puis, petit à petit, l'achat d'un lave-linge s'est généralisé, ce qui a finalement privé d'une activité rémunérée certaines femmes du village. De temps en temps, quelques personnes venaient encore aux lavoirs laver et rincer des couvertures... Puis le temps des lavoirs a été définitivement terminé…
Ils servent maintenant de but pour d'agréables promenades nostalgiques...
En mai 2019, deux représentations de la pièce "Le Lavoir" (de Dominique Durvin et Hélène Prévost), créée par l' "Ensemble Les Sauvages" ont été proposées sur les lieux mêmes !

Texte : Thérèse et Michel Cayeux, Patrick Laurent.
Photos : Michèle Chatillon